Les Biens Communaux
Il y avait, sous l'ancien Régime, une forme de propriété qui a pratiquement disparu de nos jours et qui s'appelait les biens communaux. Il s'agissait de warechaix, terrains vagues, lieux destinés à la pâture, occupant une vaste superficie du territoire.
Le rapport que procuraient ces biens communaux suscitait. des convoitises car il est loin d'être négligeable. Théoriquement, les richesses engendrées par ces biens devaient profiter à tous, mais pratiquement, une infime partie de la population en tirait profit.
Il arrivait que ces terres fussent affermées par un exploitant agricole du village ou du village voisin et le produit de la location était partagé entre les foyers de la localité. Mais le pauvre manouvrier ne pouvait prétendre à la même part de revenu communal que le censier* (à Fresnes on prononce « cinsier »). Dans certaines localités, le partage était équitable. Dans d’autres, comme à Fresnes, on effectuait le partage selon « la règle de la taille » : les plus imposés, donc les plus riches, percevaient plus que les autres.
Vers le milieu du XVIIe siècle, les moins commodieux, c'est à dire les plus pauvres, interpellent les gens deloy de Fresnes (les édiles de l'époque), c'est à dire les censiers les plus importants) et réclament un partage égal des revenus des biens communaux. Ils dénoncent fermement une minorité dominante.
Afin de faire reconnaître leurs droits, les paysans intentent, mais en vain, une action en justice. Leur argumentation est fondée sur le principe d'égalité. Il ne faut pas de preuve pour persuader que la lumière éclaire et qu'on ne voit goute dans l'obscurité ; il ne faut pas de preuve que deux frères ont une mère commune. Les premières lumières que donne la Raison annonce que ce qui est commun entre trois personnes, doit être, en cas de partage, divisé en trois parties égales (procès de 1775). N'oublions pas que nous sommes au siècle des lumières.
Le conflit entre riches et pauvres se double d'un antagonisme socio-professionnel. En effet, les censiers, qui se disent les représentants des anciens manants de Fresnes veulent exclure les ouvriers de la fosse à charbon de terre des pâturages sur le warechaix.Comme le remarque le sub-délégué CRENDAL, il y a à Fresnes une quantité d'habitants inutiles à l'agriculture, n'y restant que pour travailler aux mines de charbon de terre, exploitées depuis 1720. Pourtant les premiers mineurs sont issus du monde paysan et ils désirent conserver une petite activité agricole. C'est pourquoi ils veulent profiter des biens communaux.
Les dirigeants fresnois, pour étayer leur volonté d'exclure « les carbonniers », font remarquer que ceux-ci sont de nationalité étrangère puisque la plupart d'entre eux viennent de Belgique alors sous domination autrichienne. Ils ne peuvent donc prétendre à aucun droit sur les biens communaux qui appartiennent aux manats naturels et à la communauté formée, à l'exclusion des étrangers.
Derrière cette réaction xénophobe se cache la méfiance reconnue des paysans vis-à-vis de l'activité des houillères qui selon eux, perturbe l'ordre traditionnel.
La manière dont les échevins de Fresnes considèrent Messieurs les charbonniers et la compagnie d'Anzin est très révélatrice. Parvenus comme des champignons dans une nuit, ils tachent , à force d'argent, d'acheter la paroisse de Fresnes et d'exclure par ce moyen, les habitants naturels de l'héritage de leurs pères.
Déjà, à cette époque, la notion de « classe » était très forte, à tel point que les mariages entre paysans et charbonniers étaient considérés comme des mésalliances qui pouvaient parfois engendrer d'importants conflits. Cet état d'esprit perdurera jusqu'au début du XXe siècle.
Censier* : fermier, cultivateur
Sources : Archives municipales.